L’organisation sociale engendre ses dissidents, ses exclus et ses marginaux. Pour approcher ces laissés-pour-compte, il ne reste la plupart du temps que les documents ou les images provenant des cercles du pouvoir. Le Royaume est le portrait d’une communauté imaginaire réalisé entre 2017 et 2019, teintée de magie et de rituels. Ma démarche dans ce travail s’apparente à celle d’un archéologue : ressusciter des mondes morts, renouer le dialogue avec des êtres d’un autre temps, pour raconter au mieux notre présent. Ces corps sont traversés par une force qui déstabilise et dessine un vaste champ de tensions. Leur course vers un point inconnu renoue également avec l'idée du rite de passage, de temps suspendu, où l’ordinaire se réorganise et se remet en place pour lier un individu à un groupe. La boue bleue, de couleur or ou noire anonymise les corps et visages et se propose comme une seconde peau, une protection contre l’extérieur aussi. Elle permet aux corps de se libérer, d’être violents et tendres. Cette communauté de personnages nous parle d'un temps sombre et diluvien. Ses gestes et ses corps dont le sens demeure mystérieux, racontent une vie en marge d'un Royaume sans images. Leur existence est ambiguë mais tenace, et décrit mon rapport ambivalent et agonique à notre monde. D'amour-haine.
Marie Quéau
Galerie Madé
Fondée en 2011, la galerie Madé est consacrée à la photographie contemporaine.